Accueil / Nos lieux de travail / Radio-Canada/CBC / Le gouvernement et les médias privés prennent CBC/Radio-Canada pour cible

Le gouvernement et les médias privés prennent CBC/Radio-Canada pour cible

Le gouvernement conservateur s’est servi de son budget comme s’il s’agissait d’une arme, en amputant de 10 % le financement qu’il octroie annuellement à CBC/Radio-Canada. Or, vingt-cinq années de ce budget révisé, soit moins d’un milliard de dollars ou environ 31 $ par Canadien, seraient requises afin de défrayer les coûts des avions de chasse F-35. D’ici 2015, le financement de CBC/Radio-Canada aura reculé au même niveau qu’en 1999, alors que la programmation télé locale avait failli être complètement abolie.

On ne parle pas ici simplement d’une autre compression budgétaire. Il s’agit de décisions de nature politique, et le gouvernement impose des coupes démesurées aux ministères et agences ayant eu l’audace de s’exprimer. Outre CBC/Radio-Canada, le vérificateur général, Élections Canada et l’Association des femmes autochtones du Canada ont aussi été durement touchés.

Pour d’autres, ce fut encore pire : Droits et Démocratie, le Conseil national du bien-être social, l’Organisation nationale de la santé autochtone ainsi que la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie devront fermer leurs portes. Le financement du Conseil national de recherches du Canada, qui jadis aurait pu servir à appuyer la recherche scientifique pure, sera désormais confié directement à des entreprises privées – dans des secteurs comme l’énergie et les mines, par exemple. Ces décisions surviennent après plusieurs années de ce que PEN Canada a qualifié de musellement des scientifiques fédéraux lorsqu’il s’agit de conclusions dérangeantes liées aux pêches et aux changements climatiques.

Les premières victimes des compressions à CBC incluent notamment l’émission radiophonique Dispatches, celle intitulée Connect sur les ondes de CBC News Network, et probablement l’équivalent d’une soirée complète de contenu télévisuel canadien original. De moins en moins de journalistes canadiens seront appelés à couvrir les événements locaux, nationaux et internationaux, alors qu’une centaine de postes seront abolis aux services des nouvelles et de la production de documentaires –, et ce, uniquement du côté anglophone. L’enregistrement en direct de pièces musicales sera amputé des deux tiers, et le seul studio de production télé au pays situé à l’est de Montréal devra fermer ses portes.

Selon une étude publiée l’an dernier par Deloitte & Touche, le fait d’enlever 115 millions $ du budget de CBC/Radio-Canada équivaudra à faire disparaître quelque 400 millions $ de l’économie canadienne. Les artistes, scénaristes et autres producteurs indépendants perdront leur emploi, et le pays en ressentira les impacts.

Le seul secteur d’activité de CBC/Radio-Canada qui semble jusqu’à maintenant avoir été généralement épargné est celui de la programmation locale. Toutefois, cette situation pourrait être de courte durée. En effet, des audiences publiques se sont amorcées aujourd’hui au CRTC, et porteront sur l’avenir d’un fonds mis en place dans le but d’accroître la programmation locale dans les collectivités comptant moins d’un million d’habitants.

Les chaînes de CBC et Radio-Canada reçoivent actuellement environ 40 millions $ en provenance du Fonds pour l’amélioration de la programmation locale (FAPL). Ces sommes ont permis autant à CBC qu’aux diffuseurs privés indépendants d’accroître depuis 2009 le nombre de bulletins de nouvelles locales et d’autres émissions de télé. Le problème, c’est que les sommes injectées dans le fonds proviennent des revenus des câblodistributeurs et des distributeurs par satellite. Or, ces entreprises tiennent à voir disparaître le fonds ou, du moins, à empêcher CBC/Radio-Canada d’y avoir accès.

On doit s’attendre à passablement de discours cette semaine portant sur le fait qu’un radiodiffuseur public ne devrait pas avoir le droit de piger dans d’autres ressources financières versées par l’industrie. Toutefois, on ne doit pas s’attendre à ce que les intervenants de cette industrie se préoccupent sincèrement du sort des téléspectateurs et des citoyens. Si les câblos finissent par avoir gain de cause, des coupes supplémentaires au niveau des bulletins de nouvelles locales seront inévitables. Le gouvernement ne s’est pas prononcé sur la question; toutefois, l’un de ses alliés contribue actuellement au fonds – et cherche maintenant à se retirer. Quebecor a fait équipe avec les conservateurs afin de faire comparaître CBC/Radio-Canada devant le Comité sur l’éthique en octobre dernier, ciblant spécifiquement le radiodiffuseur public parmi les dizaines de ministères et agences fédéraux qui tentent tant bien que mal de s’adapter aux nouvelles règles sur l’accès à l’information. Quebecor souhaiterait plutôt qu’aucune somme ne soit octroyée à CBC/Radio-Canada – surtout pas des fonds provenant de son service de câblodistribution.

Il ne faut toutefois pas oublier que nous avons ici affaire à une industrie qui voit la concurrence d’un mauvais œil. Le Canada en est essentiellement à trois fusions d’entreprises d’un monopole. Si cela peu paraître exagéré, rappelez-vous que nous avons assisté, au cours des trois dernières années seulement, à trois importants regroupements d’entreprises au sein de l’industrie. Il n’est certes pas irrationnel pour un puissant joueur comme Quebecor de chercher à faire disparaître ce qu’il considère comme étant une concurrence déloyale (soit CBC/Radio-Canada), ou pour Bell de chercher à acquérir ses concurrents dans le secteur privé. Il s’agit toutefois de politiques publiques répréhensibles qui viennent nuire davantage à la possibilité pour un citoyen de s’informer et de débattre des enjeux ayant un impact sur sa vie autant aujourd’hui que demain.

Le message que véhicule le gouvernement est essentiellement que les entreprises privées sont louables, alors que l’on doit se méfier des services et institutions publics. À compter de cette semaine, nous saurons si les sbires conservateurs nommés au CRTC respecteront la ligne du parti en mettant fin au FAPL.

Il n’est alors pas surprenant que les médias publics misent surtout sur le… public. Des milliers de Canadiens ont d’ores et déjà soumis des suggestions auprès de Réinventons Radio-Canada, une coalition formée de citoyens préoccupés par l’avenir des médias publics. Des dizaines de milliers de Canadiens ont signé diverses pétitions et rédigé des lettres afin de se prononcer contre les compressions. C’est ici que l’avenir commence.

Ressources pour les membres


Sujets les plus consultés

Scroll to Top